Droits des femmes en Afrique: progrès, statu quo ou recul?
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Au moment où l’Afrique célèbre la Journée internationale de la femme africaine, il nous paraît essentiel de mettre en évidence des points essentiels concernant l’émancipation féminine dans cette région du monde.
Rappelons en passant que cette commémoration fut instituée, le 31 juillet 1962, à l’initiative de deux organisations : l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Il sied également de mentionner que l’OUA, qui fut créée en 1963, n’existe plus. Sa dissolution, en 2002, donna naissance à l’Union Africaine, une institution qui veut, entre autres objectifs, promouvoir les droits des femmes.
Au regard des principes énoncés dans le Protocole relatif aux droits des femmes en Afrique — que l’Union africaine adopta à Maputo, au Mozambique, en 2003 — on peut donc affirmer que l’égalité des sexes trouve échos, du moins en théorie, au sein de cette organisation qui regroupe plusieurs pays du continent. Par ricochet, la prise en compte des lois internationales portant sur les droits humains ainsi que la mise en œuvre d’initiatives locales diversifiées devraient avoir des conséquences positives et bienfaisantes sur les femmes.
D’où la nécessité de poser quelques questions liées à cet enjeu : qu’en est-il réellement de la situation de la femme africaine ? Q’uel est donc son rôle dans la société ? Est-elle intégrée dans la gestion de la chose publique?
Des défis toujours actuels
En posant un regard rétrospectif sur la place assignée aux Africaines au cours différentes périodes historiques, le même constat se dégage : la gent féminine occupait et occupe encore une place marginale. En toile de fond, des préjugés basés sur des considérations sexistes réduisent à néant les efforts consentis par les organisations et les individus qui veulent améliorer la situation inégalitaire des femmes.
Bien sûr, la condition féminine sur le continent est très variable d’un pays à l’autre. Mais une constante demeure: qu’il s’agisse de l’époque précoloniale, de la colonisation ou des indépendances à nos jours, les femmes étaient — et sont encore aujourd’hui — confinées à jouer les seconds rôles. Pour profiter de cette tribune qui leur est offerte à l’occasion de cette journée spéciale, il est indispensable de dresser un bilan des luttes sur les droits des femmes. Nous constatons, avec beaucoup d’amertume, qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
D’un côté, on observe de graves manquements aux droits des femmes, et d’un autre côté, il y a des textes juridiques ayant pour vocation de protéger la population féminine des discriminations sexistes. Le combat des femmes n’est pas terminé, et ce tant en Afrique qu’ailleurs dans le monde. L’heure est au renforcement de la mobilisation. Cerise sur le gâteau: les instances dirigeantes reconnaissent qu’il devient essentiel d’intégrer l’analyse différenciée selon les sexes dans leurs programmes de fonctionnement.
En effet, malgré les avancées, qui augmentent au fil du temps, il convient de garder à l’esprit cet état de fait: les inégalités génèrent des frustrations, lesquelles amènent à la désobéissance. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que les discriminations — ce qui paraît plus grave — favorisent l’enracinement de mauvaises pratiques. En tout cas, la population féminine — majoritaire de surcroît —, trop souvent marginalisée, ne bénéficie pas de la pleine et totale jouissance de ses droits les plus élémentaires. Disons-le haut et fort: c’est inadmissible! Scandons-le ensemble: nous exigeons le respect de nos droits!
Vers une réelle intégration des femmes?
On ne le dira jamais assez : l’intégration des femmes dans les instances décisionnelles est une donnée incontournable pour favoriser le développement. Cette recommandation — à juste titre d’ailleurs — résonne comme un leitmotiv dans le discours de plusieurs organisations. Nous devons tenir compte des analyses faites par des observateurs avertis pour instaurer un climat de paix et de cohésion, celui-ci étant le sésame qui ouvre d’innombrables portes, dont celle du développement social.
Le caractère hautement dramatique des violences exercées dans la sphère publique fait dresser les cheveux de la tête. Disons-le sans ambages: la revendication des droits des femmes est une bataille de longue haleine. Cette bataille-là doit se mener avec détermination.
Dans la même veine, dans la sphère privée, où les discriminations prennent des proportions alarmantes, les femmes doivent poursuivre leur résistance pour non seulement préserver les acquis, qui demeurent fragiles, trop fragiles même, et gagner de nouvelles victoires. Nous citerons par exemple la triste condition des veuves qui subissent une maltraitance criminelle infligée par leurs beaux-parents. À cela s’ajoutent, bien évidemment, d’autres incohérences.
Si l’on se réfère à un moment précis de l’histoire africaine, la colonisation, ce n’est un secret pour personne: la bravoure des Africaines se manifesta de plusieurs manières. Les exemples sont légion. Car à cette époque déjà, des figures féminines se démarquèrent fortement par leur leadership. Kimpa Vita, pour ne citer que cette brave femme d’Afrique, participa vaillamment à la lutte contre l’invasion coloniale. Un atout fort intéressant qui joue en faveur de l’intégration des femmes dans les sphères décisionnelles. Autre atout : de nos jours, le contexte est tel que les femmes et les hommes doivent travailler ensemble pour l’amélioration des conditions de vie de toute la collectivité.
On le sait: depuis la nuit des temps, des discriminations sexistes ont toujours eu une influence néfaste considérable sur l’émancipation féminine. Une influence qui érode l’équilibre de toute la société.
En définitive, une bonne partie de l’opinion est d’avis que le temps est venu de tordre le coup à pratiques vieillottes. Cette reconnaissance est un progrès, c’est le signe du début d’une prise de conscience collective.
Toujours est-il qu’aujourd’hui, la condition féminine en Afrique évolue en dents de scie, entre avancée, stagnation et recul: une véritable danse incessante!
Par ailleurs, d’autres obstacles jalonnent le parcours qui mène les femmes vers la liberté. Quelle sera l’issue de cette grande mobilisation? Disons simplement que la lutte continue, c’est tous les jours qu’il faut combattre les injustices! Et d’ailleurs, le slogan de la Marche mondiale est très évocateur: les femmes luttent pour changer le monde. Une chose est certaine, tant que les droits des femmes ne seront pas respectés, la dénonciation des injustices se poursuivra.
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Ghislaine Sathoud est une écrivaine au Congo.
Twitter: @GSathoud
site Web: http://ghislainesathoud.com/
Category: Contemporary Women Writers, French-African Women Writers, Multicultural Writers, Women Writers Across Cultures